Les matériaux issus du bâtiment et des travaux publics, mais aussi les résidus de process industriels, constituent une ressource qui se compte annuellement en millions de tonnes. Une fois caractérisés, ces déchets représentent une ressource importante, à condition de convaincre des donneurs d’ordre parfois encore trop réticents.
« Un matériau alternatif est élaboré à partir d’un déchet non dangereux pour être réutilisé seul ou avec d’autres », définit Thomas Muckensturm, directeur technique d’Eurogranulats et représentant l’Afoco (Association française des opérateurs sur co-produits industriels). En France, ces matériaux pourraient se substituer aux matériaux naturels à hauteur de 200 millions de tonnes par an.
Les sources de ces matériaux alternatifs sont nombreuses et variées. Elles proviennent majoritairement du secteur du BTP (déconstruction, réfection des routes…), mais peuvent aussi être des résidus de process industriels. C’est le cas notamment des laitiers sidérurgiques ou des laitiers d’aciéries qui fournissent des liants ou des squelettes granulaires pour le béton. « Les cendres de centrales thermiques présentent également des caractéristiques intéressantes dans le cadre de la décarbonation de la filière ciment-béton, précise Laurence Viora, présidente de l’UFCC (Union française des cendres de charbon). Avec la fermeture programmée des deux dernières centrales à charbon, la ressources va se tarir, mais la France dispose d’importants stocks historiques. »
Sortie du statut de déchet
Le secteur routier est déjà un grand consommateur de ces matériaux alternatifs, comme le confirme Sophie Decreuse, représentante de Routes de France : « Une grande partie des déchets inertes est soit transportée sur d’autres chantiers soit réutilisée directement sur place, sans passer par le statut de déchet. Aujourd’hui, le taux de recyclage est d’environ 80 %. Chaque année, les besoins en granulats sur les routes s’élèvent à 435 millions de tonnes. »
La caractérisation constitue un enjeu majeur pour développer l’emploi de ces matériaux alternatifs issus de sources très différentes. Le Cerema, établissement public placé sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires a édité des Guides d’acceptabilité environnementale pour ces matériaux alternatifs. Ceux-ci présentent des caractéristiques géotechniques équivalentes, voire supérieures aux matériaux naturels.
Cependant, certains maîtres d’œuvre ou maîtres d’ouvrage expriment encore des réticences à utiliser ce type de produits, comme le regrette Samyr El Bedoui, ingénieur d’affaires chez Eurovia-Vinci : « J’entends encore parfois des donneurs d’ordres me dire qu’ils ne veulent pas utiliser des “poubelles brûlées” sur leurs chantiers. » Pire, des cahiers des charges excluent encore trop souvent le recours à des matériaux alternatifs.
La sortie du statut de déchet de ces matériaux, et leur analyse sous le prisme de la réglementation produit et non déchets, ainsi que leur meilleure prise en compte au niveau régional pourraient être une solution pour vaincre ces réticences et améliorer l’écoresponsabilité de la filière BTP.