Surconsommation, prévention des déchets… le regard de 3 porteurs de projets innovants

Les Assises des déchets ouvriront la 1ère journée par l’écoute de quelques représentants de la génération montante : leurs attentes, leurs regards mais également leurs actions et leurs engagements pour la préservation de l’environnement. Cette 1ère journée mettra également en lumière des initiatives et innovations en matière de déchets, soulignant ainsi une prise de conscience réelle des citoyens, à l’image des actions menées par Simon Bernard, Jim Pasquet et François Danel que nous avons interrogés.

Valoriser les solutions, plutôt que le problème

Simon Bernard, cofondateur de Plastic Odyssey

© Yann Chavance

À 31 ans, Simon BERNARD est cofondateur de Plastic Odyssey, nom de son navire et d’un projet de lutte contre la pollution en mer et de valorisation des déchets plastiques. Le navire a pris le large en octobre 2022, après 3 ans de préparatifs et 10 millions d’€ levés, et fera escale sur les côtes des 30 pays les plus touchés par la pollution plastique à travers le monde, qui ont peu ou pas d’infrastructures de gestion des déchets, afin de travailler avec des entrepreneurs à la mise en place de micro-usines de recyclage.

« L’objectif est de transformer les déchets plastiques en produits finis, comme par exemple, des tuiles ou des pavés de construction, des tuyaux de plomberie. Aujourd’hui, si le sujet de la pollution plastique est de plus en plus présent, il reste très mal compris par la majorité des gens, on remarque énormément de fake news. L’une des premières idées lorsque l’on parle de pollution plastique est d’aller nettoyer l’océan, alors que seuls 0,06% des déchets en mer restent à la surface. Le reste va couler ou se décomposer en particules, et c’est déjà trop tard : les scientifiques parlent du “mystère plastique”. En agissant à terre, à la fois en collectant et en recyclant les 5 milliards de tonnes de déchets plastiques déjà existants, aussi en réduisant la production de plastique qui est aujourd’hui exponentielle, on peut agir sur 99% du problème. Une chose est certaine : le sujet est porteur et engage, à travers le monde. Chez Plastic Odyssey, nous œuvrons à identifier des alternatives et des solutions pour réduire l’utilisation du plastique, par le biais du travail effectué avec des entrepreneurs et par des expositions ouvertes à tous, pour valoriser les solutions, plutôt que le problème ».

Nous assistons aujourd’hui à un changement de paradigme au niveau des professionnels du recyclage

Jim Pasquet, directeur et cofondateur Le Pavé

© Le Pavé

En septembre 2016, 4 étudiants de l’École Nationale d’Architecture de Versailles travaillent pendant 6 mois à concevoir une école en plein milieu du désert au Kenya, avec des ressources locales. Non loin de là, ils découvrent une décharge à ciel ouvert et c’est là qu’a lieu le déclic : pour imaginer les bâtiments de demain, il devront s’appuyer sur des ressources existantes en limitant au maximum leur transformation. C’est dans cet esprit qu’ils ont conçu des matériaux d’éco-construction sous la marque Le Pavé, pour répondre à des besoins de matériaux peu polluants, performants, avec des qualités esthétiques pouvant séduire l’industrie du bâtiment comme celle de l’aménagement intérieur.

« Nous assistons aujourd’hui à un changement de paradigme au niveau des professionnels du recyclage. Dans la conception de notre produit, nous avons été amenés à leur poser des questions qu’ils n’avaient alors jamais entendues : « Avez-vous des déchets beaux, de qualité ? » , « Quels sont les déchets que vous n’arrivez pas à recycler ? Nous allons en faire quelque chose de beau et d’utile ». Cette approche a modifié les procédés chez les recycleurs. Le déchet peut désormais être valorisé sans « tricher » sur son passé, car sa provenance lui donne de la valeur au yeux des consommateurs. Il est aussi important de déconstruire le mythe collectif sur le recyclage, qui consiste à penser que tous les déchets triés dans la poubelle jaune sont recyclés, et qu’une bouteille en plastique va se transformer en polaire. Je crois que les nouvelles générations ont un grand pouvoir, celui de modifier en profondeur leur environnement, car ce sont elles dont les entreprises auront besoin demain pour prospérer. Les jeunes sont aujourd’hui en capacité de savoir pour qui et pour quoi ils travaillent, et seront toujours plus exigeants sur le sujet de la responsabilité sociétale et environnementale de leur futur employeur. »

Le plastique est encore incontournable, nous devons nous concentrer sur son réemploi et sa transformation

François Danel, cofondateur et directeur général d’Earthwake

© Earthwake

En 2015, Samuel LE BIHAN et François DANEL (alors engagés avec l’ONG Action contre la faim) fondent Earthwake, tous deux confrontés à une forte pollution plastique lors de leurs missions humanitaires à la fois en Afrique et en Asie. Rapidement, ils recrutent l’inventeur Christofer COSTES, qui avait mis au point un premier équipement de pyrolyse artisanal, et le soutiennent pour développer une filière française de pyrolyse qui permet à la fois de produire de l’énergie et de valoriser les déchets plastiques difficilement recyclables.

« Aujourd’hui, à l’échelle mondiale, seuls 9% des plastiques produits sont recyclés, et force est de constater que nous pouvons difficilement nous passer de ce matériau, notamment dans les applications alimentaires. C’est pourquoi nous pensons que le recyclage et le réemploi restent incontournables et prioritaires dans les actions à mener pour réduire les déchets. La pyrolyse, dont le principe est de chauffer le plastique à très haute température, le fait revenir à son état d’origine – le pétrole. Sur cette base, nous avons mis au point la Chrysalis, un équipement qui permet de valoriser des plastiques comme le polyéthylène et polypropylène principalement en gasoil : il peut être utilisé dans des moteurs, alimenter des groupes électrogènes. Nous avons un projet pilote dans les Alpes Maritimes où le gasoil de plastique, produit à partir des déchets collectés, alimente les camions-poubelles de la communauté de communes, dans une logique d’économie circulaire. Pour ce qui est de la consommation de plastique, nous croyons qu’il est également important pour les consommateurs de limiter un maximum les produits à usage unique, et pour les fabricants de se pencher sur des matériaux recyclables et durables. Le positif, c’est de voir les comportements changer, chez les jeunes notamment, pour que la planète reste vivable pour encore longtemps »