Pour conclure les 17e Assises des déchets, c’est la formation des nouvelles générations de professionnels qui a été au cœur des débats pendant la deuxième séance plénière de la journée.
« Nous savons que les sujets de formation sont essentiels, mais ils n’ont pas forcément été mis au niveau où ils devraient être« , lance Emmanuelle Ledoux, Directrice générale de l’Institut national de l’économie circulaire (Inec). « Ce qui est fait par les acteurs du secteur de la formation est très bien, mais il y a un vrai besoin en terme d’anticipation, de vision, pour prévoir les besoins de demain, au niveau national comme territorial pour répondre aux stratégies de décarbonation et d’économie circulaire. »
« Actuellement, l’enseignement en école d’ingénieur peut s’avérer assez paradoxal« , souligne Lally Garrigue, doctorante au sein de Builders École d’ingénieurs : « nous pouvons avoir un cours le matin qui nous dit que les matériaux dans le bâtiment sont standardisés et qu’il n’y a pas beaucoup d’évolutions, puis dans l’après-midi un cours sur le développement durable dans lequel on apprend que ces matériaux ne sont pas respectueux de l’environnement ! Désormais, mon école a justement mis en place des cours qui permettent de faire la synthèse entre ces informations contradictoires pour que les étudiants puissent y voir plus clair. »
En attendant une vraie uniformisation des enseignements et une véritable stratégie d’ensemble, de nombreux acteurs lancent des projets intéressants dans le secteur de la formation. Tour d’horizon.
Une chaire économie circulaire à l’Essec
L’école de commerce Essec a mis en place une Chaire économie circulaire. Une initiative inédite dans ce type d’école. Félix Papier, professeur, explique la démarche : « l’objectif est de former chaque année un groupe d’étudiants pour intégrer les métiers à impact liés à l’économie circulaire. L’enjeu est double : il s’agit à la fois de former des professionnels, mais aussi de sensibiliser l’ensemble de nos étudiants aux thématiques de l’économie circulaire. Aujourd’hui, une institution de l’enseignement supérieur ne peut pas laisser entrer un étudiant dans l’univers professionnel sans qu’il ait une connaissance des enjeux et un certain savoir-être circulaire.«
Des formations tous terrains avec Cyclad
Le syndicat mixte Cyclad mène de nombreux projets liés à la formation. Alice Michaud, Coordinatrice Innovation circulaire, explique la démarche : « Nous essayons d’être innovants dans nos méthodes, et surtout très pragmatiques. Avec le Cyclab, nous proposons déjà des laboratoires qui sont loués à des entrepreneurs et ouverts à des étudiants pour créer des prototypes dans le cadre de l’économie circulaire. Nous sommes de plus en train de créer un campus Cyclab avec de la formation continue pour transmettre notre expérience aux entreprises, mais aussi faire venir d’autres acteurs. Par ailleurs, nous nous sommes rendus compte que les formations n’intégraient pas l’économie circulaire de manière très concrète, donc nous avons passé des conventions avec six organismes d’enseignement supérieur du territoire. Nous les accompagnons pour qu’ils réalisent qu’ils ont de la ressource dans leurs bennes, et qu’il s’agit d’une opportunité pour être créatifs et créer de la valeur. Enfin, nous travaillons aussi avec des artisans qui forment des enfants de 9 à 13 ans à des métiers manuels tous les mercredis après-midi : jardinage, peinture, zinguerie… Nous pensons qu’il faut développer l’économie circulaire dans toute les formations, et pas seulement dans celle liées au déchet.«
Lancement de l’École nationale du recyclage et de la ressource
Le 3 avril dernier à Lille-Lomme, la Fédération professionnelle des entreprises du recyclage (Federec) a lancé son École nationale du recyclage et de la ressource (EN2R) en partenariat avec l’Afpa. « Nous avons l’ambition de former 16 000 personnes sur cinq ans« , détaille Serge Ponton,
Président de la Commission sociale et formation de Federec. « En 20 ans, nos métiers ont complètement changé avec par exemple l’apparition d’outils à reconnaissance optique ou de l’intelligence artificielle. Et avec les progrès technologiques comme l’augmentation de tonnages, nos activités évoluent rapidement, et les besoins RH également. Nous prévoyons ainsi la création de 8000 emplois, en plus du renouvellement de génération. Nous avons également l’objectif de pouvoir proposer à nos entreprises un accès en continu à la formation, car de nouvelles machines vont arriver, de nouveaux outils vont émerger et il faudra évoluer en même temps que la technologie. »
L’apparition de nouveaux métiers en tension
Dominique Piton, Président de Labo’CERT, est spécialiste des diagnostics PEMD (pour produit équipement matériaux déchet), qui étaient auparavant appelés les diagnostics déchets. « Ils s’appliquent sur les immeubles bâtis et servent à recenser tout ce qui peut être réemployable ; c’est la porte d’entrée à l’économie circulaire dans le bâtiment. Le métier est en tension : nous avons déjà besoin de 1500 diagnostiqueurs PEMD et il en faudrait 3000 de plus en 2030 ! Il faut donc mettre l’accent sur la formation pour anticiper ces besoins.”