En France, seuls 31 % des textiles ménagers mis sur le marché (textiles, linge de maison, chaussures) sont collectés après usage. Le reste est soit jeté, soit dort au fond de nos armoires. Si le réemploi fonctionne de manière plutôt satisfaisante, la filière du recyclage peine encore à se développer. Celle-ci doit lever plusieurs freins pour passer à une phase d’industrialisation.
La Responsabilité élargie des producteurs (REP) concernant le secteur du textile a été lancée en 2008. Elle fixe l’objectif ambitieux de passer de 260 000 tonnes de déchets textiles recyclés aujourd’hui à 450 000 tonnes à l’horizon 2028. De nombreuses initiatives voient le jour pour accompagner les acteurs de la filière, de l’éco-conception des produits à leur fin de vie en passant par la phase de consommation.
Toutes les marques payent ainsi une éco-contribution qui alimente un fonds destiné à financer cet accompagnement. L’éco-organisme Re-fashion, créé grâce à ce fonds, souhaite accélérer la transformation de la filière vers l’économie circulaire. « Avec la loi Agec, les marques sont incitées à insérer des fibres recyclées dans leurs produits », note Véronique Allaire-Spitzer, directrice du pôle régénération de Re-fashion.
L’IA pour caractériser les textiles
Cependant, le coût du recyclage textile demeure élevé. Il faut en effet caractériser les produits, connaître leur composition. Aujourd’hui, 50 % du gisement collecté ne contient qu’une ou deux matières et peut donc être recyclé. Mais un vêtement qui présente plusieurs couches ou qui intègre trois matières différentes est très difficilement recyclable. De plus, les points durs ou les perturbateurs comme les étiquettes, les boutons ou les fermetures éclairs compliquent encore l’opération.
L’industrialisation passe donc par une plus grande automatisation des tâches. Le Centre européen des textiles innovants (CETI) a lancé avec l’école d’ingénieurs ESTIA une plateforme d’innovation dédiée au tri ainsi qu’au démantèlement des textiles et des chaussures. Cette dernière utilise notamment l’intelligence artificielle (IA) pour identifier les produits et les orienter vers le bon processus de démantèlement en fonction de leur composition.
Certaines entreprises montrent qu’il est possible en France de proposer des solutions industrielles à condition d’avoir accès à un approvisionnement régulier et de qualité. Outre les nouveaux vêtements, les textiles recyclés peuvent se retrouver dans les garnitures de matelas, comme isolant pour les logements ou encore être utilisés par la plasturgie (textiles synthétiques).
Cependant, comme le note Grégory Marchant, président de la filature UTT Yarns, « une fibre recyclée est aujourd’hui plus chère qu’une fibre vierge venue du bout du monde. » Le recyclage textile a ainsi besoin de financements pour devenir rentable à terme. Les collectivités locales et territoriales ont dès lors un rôle majeur à jouer dans ce développement pour booster la collecte et accueillir les industries sur leur territoire.