« Survivre au péril plastique » : enjeux et antidotes de la pollution du siècle

Ingénieur chimiste de formation et rédacteur en chef du magazine Natura-sciences.com, Matthieu Combe vient de sortir le livre Survivre au péril plastique. À la fois outil de vulgarisation pour le grand public et panorama des solutions d’avenir, l’ouvrage dresse un état des lieux complet de la pollution plastique.

Pourquoi avoir choisi le thème de la pollution due aux plastiques ?

Sur le site Natura-sciences.com, magazine que j’ai créé en 2009, nous nous attachons à décrypter les grands enjeux environnementaux afin de donner aux lecteurs les clés pour mieux consommer. Mon premier livre, paru en 2014, s’intitulait d’ailleurs Consommez écologique. J’ai suivi les débuts des expéditions océaniques sur la pollution par les plastiques et ai écrit plusieurs articles sur le « 7e continent ». Cette problématique, encore méconnue par le grand public il y a quelques années, m’intéresse particulièrement car j’ai fait des études en chimie et notamment de la recherche sur les micropolluants dans les rivières. J’ai voulu en savoir plus sur cette problématique et j’ai décidé d’en parler avec les industriels – fabricants, plasturgistes, recycleurs – afin de mieux comprendre comment eux l’appréhendaient.

À qui s’adresse ce livre ?

Au grand public, mais aussi à l’ensemble des professionnels qui interviennent dans la filière plastique. Tous ne connaissent pas forcément le travail des autres et certains ont par exemple encore du mal à comprendre la différence entre plastique biosourcé, biodégradable, compostable et bioplastique. Ils sont également les premiers à reconnaître qu’ils pourraient travailler de manière plus collective pour améliorer la recyclabilité : le plastique PET opaque, par exemple, perturbe les chaînes de recyclage actuelles, par manque d’anticipation.

La première partie du livre explique donc ce qu’est le plastique, comment il est développé, fabriqué et transformé, comment il est géré en fin de vie au niveau français, européen et mondial. Elle dresse aussi un état des lieux de la pollution qu’il engendre, que ce soit sur terre, dans la mer ou dans l’air. De nombreux effets sur l’écosystème ont déjà été observés et plusieurs études nous alertent sur les dangers pour l’Homme et l’animal, notamment en raison des microplastiques et des perturbateurs endocriniens. Des microplastiques ont été retrouvés dans les fruits de mer, le sel, le miel, l’eau en bouteille ou le soda. Nous savons déjà que des additifs comme les phtalates peuvent être dangereux, et nous devrions appliquer le principe de précaution pour l’utilisation du plastique dans l’alimentaire. Actuellement, c’est tout le contraire : dans l’agroalimentaire, l’ensemble des équipements est en plastique et le contact est permanent du champ jusqu’à l’assiette.

La deuxième partie du livre présente de nombreuses initiatives pour lutter contre la pollution plastique. Quelles sont les plus remarquables selon vous ?

Les plus médiatisées sont celles qui s’attaquent au nettoyage en mer – The Sea Cleaners et The Ocean Cleanup – et sur terre – Plastic Odyssey et Race for Water. Je trouve particulièrement remarquable le projet Plastic Odyssey, qui consiste à faire un tour du monde en utilisant le plastique comme carburant, mais surtout à créer des objets à partir de déchets avec des machines en open source : cela permettra de créer de vraies économies circulaires locales.

Beaucoup d’autres initiatives sont intéressantes : Terracycle qui recycle les déchets non recyclables, les entreprises qui utilisent des algues pour produire du bioplastique, les chercheurs qui développent des modes de recyclage chimique ou enzymatique en séparant les polymères des matériaux en monomères, les industriels qui prennent des mesures ambitieuses… Plus de 70 très grandes entreprises (dont Coca Cola, Colgate, Procter & Gamble…) ont par exemple signé récemment l’engagement mondial de la nouvelle économie des plastiques de la fondation Ellen MacArthur. Ils se sont engagées à réduire les emballages superflus ainsi qu’à parvenir d’ici 2025 à ce que 100 % des plastiques utilisés soient réutilisables, recyclables ou compostables. Reste à savoir si les engagements seront suivis des actes…

Quelles sont selon vous les priorités pour que nos sociétés puissent « survivre au péril plastique » ?

Je pense qu’il faut d’abord se concentrer sur l’amélioration de la gestion des déchets d’une part, car deux milliards de personnes n’ont pas accès à un système de collecte, et de la gestion de l’eau d’autre part, car selon l’ONU-Eau 80 % des eaux usées mondiales ne sont pas du tout traitées. En parallèle, il faut aussi sortir des modèles de l’usage unique.

La solution est d’abord politique, et j’ai notamment interviewé Brune Poirson sur l’objectif fixé par le gouvernement français d’arriver à recycler 100 % du plastique d’ici 2025. Or, nous en sommes loin actuellement : seulement 22 % des plastiques sont actuellement recyclés en France. Malgré les engagements volontaires des entreprises, nous resterons loin de cet objectif. Actuellement, les produits neufs incorporent en moyenne 7 % de plastiques recyclés. Avec les engagements volontaires, nous devrions atteindre une moyenne de 13 %. Ces engagements sont encore insuffisants, et je rejoins WWF qui réclame la mise en place d’un traité international juridiquement contraignant pour mettre fin à la pollution plastique.

Survivre au péril plastique, Matthieu Combe, Éditions Rue de l’échiquier, mars 2019, 20 €, 256 pages.
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