Face aux crises, quoi de plus normal que de donner la parole aux nouvelles générations ? Comment se projettent-ils ? Réponses avec les témoignages de trois témoins investis dans les premières années de leur vie active.
Les intervenants
Marie BOUSSARD, tout juste diplômée d’un master 2 (MITEC – management ingénierie des déchets et économie circulaire) à l’Université du Mans, elle vient de signer un CDD dans une association « Precious Plastic Touraine » pour le recyclage du plastique
Frédéric JACQUOT, technicien-réparateur à l’association Murfy qui répare et reconditionne des appareils électroménagers et forme ses salariés
Pierre-Emmanuel SAINT-ESPRIT, créateur et directeur général de l’entreprise ZACK, dédié à la seconde vie des produits électroniques et également directeur exécutif de la Chaire Académique sur l’Economie Circulaire à l’ESSEC (formation et recherche sur l’économie circulaire)
La nouvelle génération prête à l’action
Nos trois « témoins » sont tous fortement motivés pour « travailler pour le bien commun » et pour un monde définitivement orienté vers un mode de vie durable. Selon eux, ils ne font pas exception au sein de leur génération. L’époque est pour eux cruciale. Il y a urgence à changer de modèle de vie et de consommation, de « vision du monde ». Ils savent que l’enjeu est de taille, les difficultés importantes, la marche (très) haute. Ils nous montrent cependant leur conviction chevillée au corps et nous font part de leur enthousiasme dans un contexte anxiogène, leur ambition de ne pas baisser les bras.
Marie Boussard a choisi des études dédiées à l’économie circulaire (EC) avec « l’envie de prendre part dans l’action ». « Si je me lève le matin c’est pour pouvoir changer les choses et ma génération a encore de l’espoir. Il y a urgence. Nous devons changer de modèle, mais aussi de vision du monde : c’est un vrai changement de paradigme que les politiques publiques doivent prendre en compte. Il faut informer et expliquer davantage, communiquer les chiffres, les flux de matières, aller vers plus de partage et de coopération pour atteindre l’économie circulaire. Les initiatives citoyennes sont tout aussi importantes et à privilégier que ce soit en termes de recyclage, de fabrication, de réparation, par des makers qui vont créer des communautés, tiers-lieux ».
Frédéric Jacquot a été formé et travaille au sein de l’entreprise Murfy, 250 salariés. 80% d’entre eux ont moins de 30 ans. Tous partagent la même vision : faire en sorte de moins consommer, de moins jeter et de plus réparer et leurs attentes sont fortes et précises. « Quand on ne travaille pas dans les métiers de l’environnement, on ne se rend pas toujours compte de la consommation, de l’influence de nos modes de vie. En 2021, 664 000 tonnes d’appareils ont été jetés, 45 000 tonnes ont pu être étudiées et seuls 9000 tonnes ont été réparées. 619 000 ont été jetés directement sans être étudiées pour savoir si elles pouvaient être réparées ou si elles pouvaient fournir des pièces de réparation. Très souvent, on s’aperçoit que la panne peut facilement être réparée, voire qu’elle est uniquement provoquée par une mauvaise utilisation. Nous essayons d’apporter notre pierre à l’édifice pour réparer le maximum de machines. Il faut continuer d’innover et de faire avancer la recherche, mais en allant dans le bon sens : en utilisant des matériaux réutilisables quasiment à l’infini et en concevant des appareils facilement réparables ».
Pierre-Emmanuel Saint-Esprit partage le même constat pour les déchets électriques dont 59 millions de tonnes sont annuellement jetés. « Chez ZACK, nous collectons les produits électriques et électroniques usagés, établissons un inventaire, un tri, puis nous les reconditionnons, ou les réemployons en faisant des dons à des associations. Le recyclage intervient en dernier recours ». En tant que responsable de formation au sein d’une grande école, il sait aussi que 80% des entreprises ont déclaré et considèrent que l’Economie Circulaire (EC) doit être au cœur de la stratégie des entreprises… « mais seules 20 à 30% passent à l’action notamment en raison de la pénurie de talents ». « Les jeunes ont envie de s’engager vers des modèles responsables » et par voie de conséquence s’inscrire dans une économie circulaire concrète. « Cela passe par la formation et les écoles doivent se réinventer. Il faut que l’ensemble des écoles, dans tous les niveaux d’études et dans tous les domaines, prennent cette direction. Il faut former les professionnels de demain pour irriguer l’entreprise avec les principes d’économie circulaire, mais aussi mener la recherche académique qui se fait sur le temps long ».
Les entreprises qui souhaitent aller vers l’économie circulaire ne peuvent pas y aller seules, elles doivent non seulement être accompagnées mais inscrire leur (nouveau) modèle économique, à l’image de ce qui se passe ou doit se passer pour le bâtiment, au cœur de leur périmètre et en lien avec les acteurs associés à la chaîne de valeur : constructeur, promoteur, transporteurs, fournisseurs de matériaux, assureurs,.. C’est l’objet du collectif “EC2027, un quinquennat pour l’économie circulaire” : « un groupe d’entreprises de l’économie circulaire et d’autres qui veulent s’y mettre dont l’objectif est de s’appuyer sur la synergie d’un consortium pour créer de premières belles histoires et donner envie à la concurrence de nous imiter ! ».