Atelier 3 : la stratégie REP prend de l’ampleur

Alors que la première filière REP a été mise en place il y a 30 ans, la loi Agec va porter leur nombre à une vingtaine. Une nouvelle dynamique pour améliorer la gestion des flux de déchets sensibles et stimuler l’écoconception.

Les intervenants

Joël COURET

Joël COURET, délégué à la promotion de la réparation, FEDELEC, organisation professionnelle nationale dédiées aux entreprises artisanales et aux TPE de l’électricité et de l’électronique

Jérôme d'ASSIGNY

Jérôme d’ASSIGNY, directeur des affaires publiques, VALOBAT, éco-organisme pour les produits et matériaux du bâtiment

Martial GABILLARD

Martial GABILLARD, directeur valorisation matière & filiales de spécialités, branche recyclage de VEOLIA RVD FRANCE

Jacques VERNIER

Jacques VERNIER, président de la Commission inter-filières REP

La Responsabilité Elargie du Producteur, un principe né il y a 50 ans

Les producteurs sont responsables de leur production et de leur produit en fin de vie. L’idée de REP (Responsabilité Elargie du Producteur) a 50 ans. Elle remonte à la première loi de 1975 sur les déchets et à la directive européenne de la même année. Sa mise en place aura été assez lente puisqu’elle a attendu 17 ans avant la création de la première REP relative aux déchets d’emballages ménagers en 1992. Entre 1992 et 2020, onze autres filières vont voir le jour (piles, Véhicules Hors d’Usage-VHU, bateaux, Déchets d’Équipements Électriques et Électroniques-DEEE, meubles, médicaments, pneus*, papiers imprimés, textiles et chaussures**, produits chimiques ménagers, Déchets d’Activités de Soins à Risque Infectieux-DASRI).

La loi anti gaspillage de février 2020 a boosté le système en venant ajouter une dizaine d’autres filières à mettre en œuvre entre 2020 et 2025. En 2022, 6 sont déjà en place (bâtiment, huiles de moteur usagées, articles de bricolage et de jardin, articles de sport et de loisirs, jouets et mégots du tabac) et 5 autres suivront (emballages professionnels, gommes à mâcher synthétiques, textiles sanitaires à usage unique, engins de pêche contenant du plastique, aides techniques médicales). Parmi ces filières, celle concernant les déchets du bâtiment représentent un gisement de 40 millions de tonnes par an soit autant que la totalité des déchets ménagers.

Cette filière devrait voir le jour au 1er janvier 2023. La position du donneur d’ordre peut cependant faire peur aux opérateurs de traitement de déchets en ce que cela sous-tend une forme de subordination de l’opérateur à l’éco-organisme. C’est pourquoi il faut rappeler le rôle de l’éco-organisme : soutenir ce qui fonctionne bien et pourvoir aux systèmes inexistants ou qui fonctionnent mal. Le bien fondé des REP est également d’apporter volumes et qualité permettant de faire émerger de nouvelles industries de recyclage ou de valorisation. « La multiplication des filières REP, dans toutes les déchetteries professionnelles ou municipales, nécessite cependant de séparer tous les matériaux et matériels et cela entraîne, pour les collectivités un problème de place, de surface disponible. Il faut donc que les points de reprise se fassent également chez les entreprises ou les industriels. »

La question « Le rôle des REP n’est-il pas aussi de diminuer la publicité, d’inciter à réduire l’offre de besoins superflus ? » n’a cependant pas trouver réponse.

*(le système de collecte existe aujourd’hui mais il n’est pas agréé par l’Etat)
** La filière textile va être complètement réformée en 2023.

L’actualité REP dans le bâtiment

Valobat fait partie des 3 éco-organismes qui pourraient obtenir l’agrément pour gérer les déchets du bâtiment. Cette nouvelle REP va, bien sûr, induire des changements :

  • d’une part pour le détenteur du déchet (artisan, particulier, entreprise générale de travaux) qui devrait pouvoir se défaire de ces déchets, sans frais, dans un certain nombre de points de reprise : déchetteries professionnelles, distributeurs, éventuellement les déchetteries municipales, les entrepôts des entreprises du bâtiment qui gèrent déjà de tels déchets et surtout directement sur les chantiers qui seront certainement le principal lieu de collecte
  • d’autre part pour le producteur, metteur sur le marché, qui va assumer cette reprise « sans frais ». C’est lui qui va financer le dispositif. Sur chaque produit, sera perçu ainsi une « écocontribution » telle que nous la connaissons déjà sur les produits d’emballages, les DEEE, etc…
  • tout en assurant tout le cycle du produit depuis sa conception jusqu’à sa fin de vie : réemploi prioritaire, recyclage, valorisation.

La mise en place de la filière servira avant tout à éviter l’émission de tonnes de CO2 : « traiter 1 tonne de déchets du bâtiment, sur son territoire, représente une économie d’environ 170 kg de CO2 ». C’est aussi une question d’économies d’énergie (l’utilisation de matières premières secondaires améliore les bilans d’énergie), ou lutter contre les dépôts sauvages et alimenter l’industrie en matière première secondaire issus des déchets.

Revenir à la réparation

Fedelec, représentant des réparateurs indépendants, constate aujourd’hui un engouement et un renouveau de la réparation alors qu’en 2012, beaucoup ne croyaient plus à la réparation tant le geste de remplacement était naturel, souvent influencé par les médias ou les discours sur obsolescence programmée, et face à la baisse des prix des produits neufs. Le fond réparation issu de la loi Agec de 2020, payé par les éco-organismes, et donc par les producteurs, concerne 6 filières : DEEE, jouets, sport et loisirs, bricolage et jardin, les meubles et les textiles. Il s’élèvera à 100 millions d’euros par an dont 35 millions d’euros par an pour les vélos. Le fond réparation vient diminuer la facture du consommateur qui vient faire réparer un article chez un professionnel labellisé. Les deux éco-organismes (Ecologic et Eco-Système) gérant les déchets EE ont effectivement mis en place un éco-label : « Qualirépare ». Les réparateurs indépendants pour les EEE sont majoritairement des petites structures (« pour 70% d’entre eux, le chef d’entreprise travaille seul »). Il ne faut pas les oublier dans cette labellisation et prendre en compte leurs contraintes notamment administratives.

L’indice de réparabilité, mis en place au 2 janvier 2021, initiative Française menée en concertation avec l’ensemble des acteurs, par les services de l’Etat est un exemple de réussite. La REP et l’indice de réparabilité concernent tous les produits, qu’ils soient fabriqués sur le territoire ou pas. La contribution est payée par les producteurs et par les importateurs. Les objectifs de cet indice sont d’informer le consommateur sur les possibilités de réparation de son article, d’inciter les fabricants à améliorer la réparabilité et de responsabiliser le consommateur dans son acte d’achat. Il faut cependant noter que « l’électro-ménager et l’électronique sont deux mondes différents dans leur comportement. L’électro-ménager est aujourd’hui de bien meilleure conception que l’électronique grand public ».

Le fond réemploi est également important. 5% du budget des éco-organismes des REP devront être dédiés au réemploi des produits via les acteurs de l’économie sociale et solidaire. 7 filières REP en bénéficient.

Encore beaucoup à faire pour systématiser l’écoconception

L’éco-conception des produits est fondamentale. Tant pour le recyclage des produits en fin de vie que pour la réparation. « La REP est là pour stimuler l’éco-conception ».

Dès 2024, suite à la loi AGEC de 2020 et la loi climat-énergie, une écomodulation a été renforcée pour inciter davantage l’écoconception. Il sera ainsi proposé dans le barème d’écocontribution des primes et des malus fonction de l’éco-conception des produits. Les contributions que les producteurs paient au REP sont et seront ainsi modulées en fonction de leur produit. Bien sûr, le consommateur a également un rôle à jouer en privilégiant les produits durables, écoproduits, démontables. « L’enjeu est d’accompagner le producteur et l’utilisateur vers l’éco-conception, la recyclabilité, le tri sélectif et développer la R&D sur les produits complexes ».

Les métiers de la réparabilité comme les métiers de la déconstruction, de valorisation matière et énergétique sont sous tension en termes d’emploi. Les formations professionnalisantes ont disparu, notamment pour l’électronique. La formation d’un technicien prend 2 ans. C’est une condition sine qua non pour que la mutation engagée via les REP aboutisse dans notre contexte d’urgence.

Pour conclure, le défi principal des déchets reste aujourd’hui leur collecte. Seuls 39% des textiles, 52% des DEEE, 50% des piles, 2 tiers des VHU sont collectés. Il faut vraiment axer les efforts sur la collecte des objets usagés. La reprise par les distributeurs est en cela importante. Elle n’existait jusqu’à présent que pour les piles, les médicaments, et les DEEE. Elle va être étendue à 9 autres filières.

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