Brune Poirson

Discours de Brune Poirson

Secrétaire d’Etat auprès de Nicolas Hulot,
Ministre d’Etat, ministre de la Transition écologique et solidaire

14e Assises des déchets
Clôture du jeudi 28 septembre

Monsieur le président des assises,

Monsieur le président du conseil national des déchets,

Mesdames et Messieurs les députés et les sénateurs,

Mesdames et Messieurs les élus,

Mesdames et messieurs,

C’est pour moi un immense plaisir de venir clôturer ces 14e Assises des déchets de Nantes.

Avec Nicolas Hulot, nous avons choisi cet événement de référence pour les acteurs de l’économie circulaire pour présenter notre vision de cette nouvelle approche de l’économie, et les initiatives que nous allons prendre pour atteindre les objectifs ambitieux que nous nous fixons.

Pourquoi ?

Parce que le modèle linéaire « fabriquer, consommer, jeter » est à bout de souffle!

Il n’est supportable ni pour la planète, puisqu’il se heurte fatalement à l’épuisement des ressources, ni pour notre société en raison de la surproduction de déchets.

Si les assises des déchets de Nantes ont été créées en 1991, c’est bien d’abord en réaction à cette surproduction de déchets. Je mesure le chemin parcouru depuis 25 ans. Les débats n’ont plus rien à voir aujourd’hui avec ce qu’ils étaient alors. Il y a 25 ans, les filières dites REP – à responsabilité élargie du producteur, avec la création des éco-organismes – n’existaient pas, les politiques de prévention des déchets étaient balbutiantes, le tri des emballages ne faisait pas partie du quotidien des foyers français.

Aujourd’hui, le tri nous semble une évidence, même si je dois admettre avoir encore quelques hésitations parfois devant ma poubelle jaune… Aujourd’hui, nous faisons la chasse aux gaspillages, nous nous mobilisons pour relancer le développement des filières de réparation, nous luttons contre les objets à usage unique, comme les sacs plastiques qui polluent notre planète. Il est devenu aujourd’hui inconcevable de ne pas faire des déchets une ressource.

C’est précisément là que réside la bonne nouvelle : l’économie circulaire est le meilleur exemple possible de réconciliation entre l’économie et l’écologie.

  • Les bénéfices pour l’environnement sont massifs: 22,5 millions de tonnes de CO2 sont évitées chaque année en France grâce au recyclage des déchets (soit près de 5% des émissions totales de CO2)
  • Les bénéfices pour l’économie sont potentiellement très importants: il s’agit de filières industrielles innovantes avec des centaines de milliers d’emplois non délocalisables. Rien que pour la filière déchet, ce sont 135 000 emplois. Et nous savons que recycler une tonne de déchets génère 30 fois plus d’emplois que de la mettre en décharge.

Le thème des déchets passionne. Il touche tout le monde dans son quotidien : les citoyens, les collectivités, les industriels, les associations.

J’ai assisté à la fin de votre dernière plénière consacrée aux déchets marins. C’est un excellent exemple de sujet qui interpelle nos modes de production et touche tout le monde :

  • c’est un problème très global – des continents de plastique qui menacent les équilibres des écosystèmes et contaminent les chaînes alimentaires ;
  • les solutions qui existent sont bien souvent très locales. Pour les citoyens, il s’agit de trier ses déchets, de ne pas abandonner de bouteilles ou de mégot dans la rue, de choisir des produits réutilisables. Pour les collectivités, il faut créer les conditions du tri dans les espaces publics. Pour les industriels, l’éco-conception des produits est essentielle pour qu’ils soient réutilisables. Enfin les associations jouent un rôle crucial d’alerte et de sensibilisation de tous les acteurs.

Beaucoup de pédagogie reste à faire pour populariser le concept d’économie circulaire. Mais je suis convaincue qu’il s’inscrit dans un projet de société désirable, fondé sur le bon usage de la « frugalité ».

J’ai découvert ce concept quand je vivais en Inde. Il désigne notre capacité à innover dans un environnement où les ressources sont très contraintes. C’est la clé de l’économie circulaire : satisfaire des besoins croissants en consommant le moins possible. C’est un défi lancé à la créativité et à l’innovation.

Et permettez-moi d’insister : l’économie circulaire, c’est avant tout énormément d’opportunités. Plus de 500 000 emplois en France, un secteur en forte hausse ; un secteur qui touche de très près à l’économie sociale et solidaire, chère à Nicolas Hulot. J’en profite pour saluer l’action de Christophe Itier, le Haut-Commissaire à l’économie sociale et solidaire qui vient de nous rejoindre au ministère la semaine dernière et qui va œuvrer à l’accélération de l’innovation sociale et entrepreneuriale pour la transition écologique.

Ces innovations, ces opportunités, je les ai encore observées aujourd’hui lors des visites réalisées à Nantes, Métropole dont je salue l’engagement en faveur de l’économie circulaire :

  • Grace à l’association Compostri, j’ai pu visiter des installations de compostage collectif qui permettent un véritable tri à la source des biodéchets. La production de compost est utilisée dans des jardins partagés. Ce composteur est un formidable outil d’éducation populaire aux enjeux du gaspillage des ressources organiques, et tout simplement un lieu où se tisse du lien social à l’échelle d’un quartier.
  • J’ai aussi pu visiter une ressourcerie hébergée dans le Solilab de Nantes qui est un incubateur d’entreprises ESS qui vient de recevoir l’appui d’un fonds de l’ADEME et qui montre là encore l’imbrication forte entre l’écologie et le social.

Ces réussites, parmi de très nombreux exemples en France et à l’étranger, montrent le dynamisme des acteurs de cette nouvelle économie.

Avec votre aide, Nicolas Hulot et moi-même voulons aller plus loin. Les défis sont immenses. Ils sont clairement énoncés dans le programme d’Emmanuel Macron qui vise deux objectifs phares : une diminution de moitié des quantités de déchets mises en décharge et le recyclage de 100% des plastiques d’ici à 2025. Plus largement l’ambition est de tendre vers une économie « 100% circulaire ».

Cela va demander de profondes transformations de notre façon de produire et de consommer : une véritable « transition écologique et solidaire ».

Le « plan climat », que nous avons présenté en juillet dernier, prévoit la publication, début 2018, d’une « feuille de route sur l’économie circulaire ». Je souhaite aujourd’hui vous présenter la méthode et le calendrier d’élaboration et de mise en œuvre de cette feuille de route.

Tout d’abord, je souhaite souligner qu’élaborer une feuille de route n’est pas du temps perdu. C’est la première étape de l’action. Il faut la réaliser tout de suite pour nous doter d’un plan de vol clair sur le quinquennat qui s’ouvre. Mais il ne faut surtout pas réinventer ce qui existe déjà : la direction vers laquelle nous souhaitons aller est déjà affichée dans la loi de transition énergétique, dans les travaux européens et dans le plan climat.

L’élaboration de cette feuille de route doit associer tous les acteurscitoyens, entreprises, collectivités – car leur adhésion est un élément clé de leur mobilisation pour sa mise œuvre.

Pour cela, nous allons mobiliser au cours des trois prochains mois l’intelligence de toutes les parties concernées, recueillir leurs attentes et leurs propositions, et organiser un dialogue transparent sur les modalités d’actions à venir.

Très concrètement, Nicolas Hulot et moi-même réunirons les parties prenantes le 24 octobre pour lancer formellement les travaux d’élaboration de la feuille de route, qui devront aboutir au premier trimestre 2018.

Nous associerons à ces réflexions les parties prenantes issues du Conseil national des déchets, dont je salue ici le président, Monsieur le Sénateur Gérard Miquel ; ainsi que celles issues du Conseil national de l’industrie et de l’institut de l’économie circulaire.

Les régions seront également étroitement associées car elles sont en charge de la planification des déchets, tant d’origine ménagère que professionnelle. Je tiens à rendre hommage à la mobilisation des collectivités territoriales, à tous les niveaux, qui jouent un rôle essentiel pour réussir cette transition dans les territoires.

Notre idée n’est pas de multiplier de nouveaux groupes de travail, mais de s’appuyer le plus possible sur les instances qui existent.

Lorsqu’on écoute les acteurs sur les leviers à activer pour relever le défi, on s’aperçoit qu’ils sont multiples :

la question des débouchés des matières recyclées ;

la mobilisation des fonds nécessaires pour investir dans des dispositifs de collecte et des centres de tri modernes et performants ;

le développement d’une véritable culture en France de l’économie circulaire, tant auprès des entreprises que des consommateurs

la prévention des déchets, en amont de la chaine, pour ne mettre sur le marché que des produits éco-conçus et facilement recyclables

et enfin, la question de la fiscalité, pour qu’elle soit incitative et cohérente avec les objectifs fixés.

La feuille de route devra apporter des solutions opérationnelles à ces différents enjeux, dans une approche globale et pragmatique. Elle peut aussi conduire à identifier des verrous réglementaires qu’il faudra lever.

Une condition essentielle pour réussir la transition est de s’assurer que les signaux économiques sont à la fois prévisibles et suffisamment incitatifs pour enclencher des investissements irréversibles dans les entreprises.

Soyons clairs, aujourd’hui les signaux économiques ne sont pas au bon niveau pour atteindre nos objectifs. Les taxes sur la mise en décharge et l’incinération ont fait l’objet d’une réforme en 2016, mais celle-ci reste en-deçà de ce qui est nécessaire pour avoir un réel effet sur les investissements et bien en deçà de la fiscalité pratiquée par nos partenaires européens. Si nous n’allons pas plus loin, à la fin du quinquennat la mise en décharge sera toujours plus compétitive que le recyclage.

C’est pourquoi, conformément à l’engagement présidentiel, nous augmenterons la taxe sur la mise en décharge et l’incinération. Les paramètres de cette augmentation devront être discutés avec l’ensemble des acteurs concernés. L’objectif n’est pas d’alourdir la pression fiscale, mais de la répartir de façon plus cohérente avec les objectifs visés, comme beaucoup de nos partenaires européens l’ont fait avec succès, et de donner le temps aux acteurs de s’y adapter. Mais nous sommes déterminés à ce que, d’ici la fin du quinquennat, la taxe appliquée à la tonne de déchets ait augmenté.

Nous devons bien évidemment travailler ensemble pour déterminer quelles mesures d’accompagnement sont nécessaires pour rendre ces évolutions soutenables pour les collectivités et pour les entreprises.

Nous souhaitons par ailleurs associer le plus largement possible le grand public à l’élaboration de la feuille de route. Pour cela, nous lancerons fin octobre une plate-forme collaborative accessible à tous, pour recueillir les attentes et les propositions concrètes des citoyens. Nous organiserons également avec des citoyens une séance de travail créative et collaborative pour faire émerger des « nudges », des solutions concrètes qui modifieront les comportements de tri des déchets en milieu urbain par exemple.

Parce que des synergies existent entre transitions numérique et écologique, je suis convaincue que les données produites par le ministère et par l’Ademe sur les déchets ont un potentiel d’application largement inexploité. Pour valoriser ces données, nous organiserons ainsi un « hackathon » qui donnera, nous l’espérons, naissance à de nouvelles pousses de la GreenTech.

L’enjeu-clef aujourd’hui n’est pas de légiférer mais d’entraîner l’ensemble des acteurs (entreprises, collectivités, citoyens) dans la dynamique de l’économie circulaire. Il nous faut communiquer pour faciliter le passage à l’acte, massifier les exemples de réussite, en partant des expériences du terrain.

C’est pourquoi la concertation bénéficiera également du soutien d’un panel restreint d’ « ambassadeurs de l’économie circulaire ». Ce panel participera à l’animation de la concertation, identifiera des initiatives innovantes, formulera des préconisations pour alimenter la feuille de route du gouvernement et contribuera à la diffusion des bonnes pratiques d’économie circulaire auprès des citoyens, des entreprises et des collectivités.

Nous aurons ainsi des personnalités comme Ellen Mc Arthur, Thierry Kuhn, le président d’Emmaüs France, ou encore Emmanuel Faber, PDG de Danone, qui ont d’ores et déjà accepté d’apporter leur expérience à notre réflexion.

Dans tous mes déplacements en France et à l’étranger j’ai la chance de rencontrer des entrepreneurs, des collectifs de citoyens, des élus, des agriculteurs qui ont lancé des initiatives qui marchent et qui transforment les modèles économiques. Je vous encourage, vous les acteurs de l’économie circulaire à témoigner des multiples initiatives qui sont menées sur le terrain, partout en France. C’est un formidable réservoir d’histoires industrielles et citoyennes positives à raconter aux Français. C’est aussi une puissante source d’inspiration pour montrer que de nouveaux modèles économiques plus solidaires et plus respectueux de la planète sont possibles.

Je vous remercie pour votre attention et je compte sur votre soutien et sur votre créativité pour que dans deux ans, lors des prochaines assises des déchets, l’économie circulaire incarne, aux yeux de tous les Français, le basculement vers une économie écologique à la fois innovante, sobre en ressources mais riche en emplois et en cohésion sociale.

Merci.

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