À l’unisson des Assises des Déchets pour son édition d’octobre 2019, le ministère de la Transition écologique et solidaire analyse les réalités des filières du déchet à l’aune du « contraindre et inciter ». La politique des déchets est en effet une affaire d’équilibre… Un équilibre solide quand l’ensemble des acteurs s’engagent vers une économie plus circulaire, explique ainsi Cédric Bourillet, directeur général de la prévention des risques.
Comment « passer à la vitesse supérieure » pour préserver les ressources est une question de fond des 15e Assises des Déchets. Quelle analyse faites-vous de ce questionnement porté par les acteurs de la filière ?
Cédric Bourillet : Ce questionnement est au cœur du défi à relever. Passer à la vitesse supérieure, c’est donner un sens économique à la transition vers une économie circulaire pour que la recherche, les investissements, les évolutions de pratiques puissent s’accélérer tant du côté des autorités publiques que des acteurs privés. Sans mettre en difficulté financière ces acteurs mais au contraire en leur permettant de trouver de nouvelles richesses en valeur économique ou en vitalité des territoires.
Passer à la vitesse supérieure, c’est faire en sorte que dans nos territoires les citoyens ainsi que les entreprises, petites ou grandes, se sentent acteurs et porteurs de cette transition à travers leur mode de consommation et leur mode de gestion des déchets. Cela doit mobiliser des leviers de toutes natures.
Passer à la vitesse supérieure c’est mieux produire, mieux réparer, mieux recycler, mieux réincorporer.
« Contraindre et inciter » : l’invitation des 15e Assises des Déchets résume en quelque sorte ce que peuvent être les injonctions paradoxales traversant l’univers des déchets. Où faut-il selon vous situer le curseur pour que la mobilisation des acteurs (publics et privés) mais aussi des consommateurs soit suivie de résultats ?
Cédric Bourillet : Plus encore que d’autres politiques publiques, la politique des déchets est affaire d’équilibre, entre des mesures contraignantes et des incitations. Cet équilibre ne peut être solide que si l’ensemble des acteurs sont convaincus de la nécessité pour notre pays de s’engager vers une économie plus circulaire.
Cet équilibre entre contrainte et incitation, il peut être de nombreux ordres, à commencer bien sûr par le levier financier. À travers la réforme récente de la fiscalité sur les déchets, qui est composée de signaux fiscaux à la hausse mais aussi de baisses de fiscalité notamment lorsque des critères incitatifs sont réunis, à laquelle s’ajoutent les aides du fonds déchets de l’Ademe, l’État a dessiné un schéma financier pour son intervention. Cet équilibre entre contrainte et incitation peut même être d’ordre réglementaire, entre obligations mais aussi droits garantis (reprise gratuite, etc.). Cet équilibre peut être d’ordre politique, etc.
Il n’existe sans doute pas de curseur absolu.
Un outil prescriptif de contrainte, s’il est plus systématique, est aussi moins agile sur un plan économique et technique en imposant un chemin systématique alors qu’un outil incitatif permettra de toucher prioritairement les cibles pour lesquelles le coût du changement (humain, économique, politique) est le plus accessible, permettra de faire émerger des pionniers et conduira à laisser inchangées les situations dont les coûts du changement pourraient paraître prohibitifs.
Le ministère et les Assises des Déchets : depuis presque trente ans, les Assises s’efforcent de réunir toutes les parties prenantes pour avancer, ensemble, sur la problématique des déchets. Comment le ministère prend-il part à ces réflexions, quelle valeur donne-t-il aux échanges ?
Cédric Bourillet : Le ministère s’est associé dès le début à cette grande aventure des Assises des déchets.
Une politique publique porteuse d’autant d’enjeux ne peut se concevoir dans la durée que si elle est nourrie d’échanges entre toutes les parties prenantes.
L’implication du ministère dans la préparation des Assises témoigne de la capacité de ces Assises à créer les conditions de ces échanges, de la recherche de solutions concrètes. Elles constituent un rendez-vous essentiel pour l’État, les collectivités, les professionnels et industriels, les associations environnementales et de consommateurs, les experts, les journalistes…
Le sujet des déchets en mer, et notamment la part écrasante qu’y prennent les plastiques, sera une nouvelle fois en débat aux Assises. Considérez-vous que nous sommes sur une trajectoire de progrès, ou faut-il au contraire encore accélérer en la matière ?
Cédric Bourillet : Plus personne ne peut contester l’ampleur du problème, à l’échelle mondiale.
Nous ne partons pas de rien, en France. Une première mesure phare adoptée récemment a été l’interdiction des sacs plastiques dans la loi de transition énergétique pour la croissance verte. Cette mesure a reçu un accueil favorable des Français. Cela nous montre que les mentalités sont mûres pour changer les comportements et lutter contre les déchets marins.
Depuis, d’autres mesures ont été adoptées en France, je pense en particulier à l’interdiction des microbilles des cosmétiques (en 2018), des gobelets et assiettes en plastique (en 2020) et des cotons-tiges en plastique (en 2020).
Les acteurs économiques se mobilisent, également, à travers des engagements volontaires qui ont été adoptés au mois de juillet 2018, et plus récemment le Pacte national sur les emballages plastiques (signé en février 2019), qui concerne surtout les emballages plastiques utilisés dans la grande distribution.
Au niveau européen, l’Union européenne a également consolidé ce mouvement constaté en France en adoptant, dans des délais inhabituellement courts, la nouvelle directive sur les plastiques à usage unique.
Au niveau international, le sujet figure parmi les priorités du G7, d’ailleurs sous présidence française en 2019, ainsi que celles du G20 et des Nations Unies.
Mais beaucoup de chemin reste à faire, en Europe mais aussi sur d’autres continents. Il appartient à chacun de se mobiliser.