Pour réduire la pollution par les plastiques, pas de solution magique !

Invitée de marque des prochaines Assises des Déchets de Nantes, Nathalie Gontard est une experte de référence sur la question des emballages plastiques, explorant notamment des pistes prometteuses de matériaux innovants, vraiment biodégradables. Elle décrypte les limites des actions actuellement en place pour réduire la pollution par les plastiques.

 

Quel regard portez-vous sur les perspectives de réduction de la pollution par les plastiques ?

Nathalie Gontard* : J’essaie d’avoir une vision lucide, et complète, du cycle de vie du matériau plastique, qui prend en compte l’accumulation continue et désastreuse de déchets plastiques dans le sol et l’eau… et conteste l’efficacité promise des mesures prises jusqu’à présent. Les matériaux plastiques ont apporté beaucoup de bénéfices, notamment dans l’agroalimentaire où ils ont permis de rendre disponibles de nombreux produits à un plus grand nombre de personnes. Le vrai problème, c’est qu’on était tellement content des avantages de ces matériaux qu’on ne s’est pas posé la question de leur impact à long terme sur notre environnement, et qu’on les a développés jusqu’à ce qu’ils ne coûtent plus rien, ou presque. Aujourd’hui, il est difficile d’arrêter ce mouvement… et on ne l’arrête effectivement pas. Malgré les bonnes paroles et les plans d’actions annoncés, l’augmentation de la production n’a même pas commencé à se stabiliser ! La course en avant continue : on produit et consomme de plus en plus de plastiques.

« Les matériaux plastiques ont apporté tant de bénéfices, notamment dans l’agroalimentaire, qu’on ne s’est pas posé la question de leur impact sur notre environnement. »

 

Les efforts de recyclage qui ont commencé n’annoncent-ils pas des lendemains plus favorables ?

Nathalie Gontard : Il faut regarder le problème des déchets plastiques en face. Même si je me suis toujours battue pour son développement, le recyclage a des limites: il ne pourra en aucun cas faire disparaître la libération des déchets plastiques dans l’environnement. Le vrai recyclage du plastique, c’est-à-dire la réutilisation infinie du matériau, n’existe pas encore. Tout plastique qui est devenu un déchet a deux voies pour terminer sa course: soit il contribue au réchauffement climatique (par son incinération ou sa transformation en biocarburant…), soit il se transforme en particules fines, (après dégradation dans les sols ou les eaux) avec des conséquences redoutables. On n’a pas pris assez vite conscience de l’ampleur du problème, et si aujourd’hui il existe un mouvement de fond salutaire, la solution ne sera pas seulement de « vendre du recyclage » et de proposer des échéances, de type 100 % recyclage à l’horizon 2025 !, auxquelles personne ne peut vraiment croire. La seule promotion du recyclage a comme conséquence majeure de ne pas trop remettre en cause l’utilisation du plastique… alors que c’est aujourd’hui la priorité !

« Parce que le vrai recyclage du plastique, c’est-à-dire la réutilisation infinie du matériau, n’existe pas encore, on ne peut faire de la seule promotion du recyclage une solution crédible. »

 

Avant toute solution technologique, avant le recyclage, vous prônez la réduction de la production ?

EmballageNathalie Gontard : Évidemment, car il n’y a pas de réponse simple ou magique, mais un éventail de solutions avec toutes leurs avantages et inconvénients, et qui toutes sont en cours d’évolution. Certaines sont mûres et d’autres pas, explorant des angles différents selon la multitude de familles de plastiques à traiter, selon leurs utilisations et les zones géographiques… Pour ma part, je travaille par exemple sur le développement de matériaux d’emballage alimentaire produits à partir d’agrodéchets sourcés qui seront biodégradables en conditions naturelles et recyclables. Mais certains parlent de « bioplastiques » qui parfois n’ont de bio que la matière première ; et d’autres évoquent une biodégradabilité qui n’existe qu’en compostage industriel… Avant même de vanter les pouvoirs de ces nouvelles technologies, l’urgent est de sensibiliser les utilisateurs-consommateurs au problème des plastiques, et de redonner sa vraie valeur, un prix !, à la matière plastique qui malheureusement ne coûte rien ! Sans la diaboliser mais pour être clairvoyant sur ses fonctions, les raisons pour lesquelles on l’utilise, mais aussi sur les problèmes qu’elle génère. On ne l’a pas fait, et on le fait toujours peu, peut-être par peur d’impacter la consommation et de toucher les entreprises dans leur activité… J’observe pour ma part que seuls les citoyens-consommateurs prennent des initiatives de remise en cause des emballages : il faut que les acteurs politiques et économiques leur emboîtent le pas et préparent notre société à prendre le virage inéluctable vers une consommation sans plastique nuisible pour notre environnement et notre santé !

 

« On parle de “bioplastiques” qui n’ont de bio que la matière première, de biodégradabilité qui n’existe qu’en compostage… L’urgent est de limiter la production et la consommation des plastiques »

* Nathalie Gontard est directrice de recherche en sciences de l’aliment, de l’emballage et de la bio-économie à l’INRA, à la tête d’un laboratoire sur les matériaux alternatifs aux plastiques pour l’emballage alimentaire, coordonnatrice de projets européens de recherche sur les déchets plastiques et agro-alimentaires, experte auprès de la Commission européenne sur le recyclage des plastiques, la sécurité sanitaire des aliments et la substitution des plastiques.