Plan de relance : 500 millions d’euros supplémentaires pour développer l’économie circulaire

Le gouvernement français a présenté en septembre dernier son Plan de relance suite à la pandémie de coronavirus. L’impact sur le secteur des déchets et du recyclage sera immédiat, car le fonds “économie circulaire” de l’Ademe va être abondé de 500 millions d’euros pour la période 2020-2022. Échange avec Barbara Pompili, Ministre de la Transition écologique.

Quelles sont les priorités du Plan de relance annoncé par le Gouvernement, en ce qui concerne l’économie circulaire ?

Barbara Pompili : La France s’est fixée des objectifs ambitieux pour faire émerger une économie moins consommatrice de ressources : réduire à la source les déchets, passer d’une société de l’usage unique au réemploi, massifier le recyclage des matériaux pour valoriser sur notre territoire les matières premières qui s’y trouvent. Le plan de relance a vocation à soutenir les acteurs de la filière dans cette direction.

Au-delà des mesures de soutien, le plan de relance doit permettre à tous les acteurs économiques de rebondir rapidement et d’engager la transition vers des modèles plus durables et plus résilients.

Le soutien à la transition de la filière plastique est un point important, amorcé par l’adoption de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire. Cette loi pose un cadre fort : tendre vers 100 % de recyclage des plastiques en 2025 et sortir progressivement de l’usage unique. S’ajoute à cela un motif conjoncturel : la filière du recyclage des plastiques a souffert de la chute des prix du pétrole et du confinement, elle doit donc être accompagnée avec le plan de relance afin de ne pas perdre l’élan impulsé par la loi.


Un soutien fort est également prévu pour accélérer le développement des ressourceries (21 M€). En quoi leur rôle est-il important dans la transition vers une économie plus circulaire ?

Les ressourceries sont un maillon essentiel de l’économie circulaire, mettant en pratique la sortie du modèle « produire-consommer-jeter ». Une véritable culture du réemploi et de la réparation ne se décide pas unilatéralement. Nous avons besoin que des structures vivent, sensibilisent les citoyens, développent des initiatives.

Chaque année dans notre pays, le réemploi permet de remettre en circulation 1 million de tonnes d’objets de tous les jours. Des fours, des lave-linge, des vélos… Le secteur du réemploi en France, ce sont aussi 34 000 emplois et 1,5 milliard de chiffre d’affaires : les ressourceries sont l’exemple parfait d’une transition écologique au service du pouvoir d’achat et de l’emploi. C’est cette dynamique que nous soutenons.

Des aides spécifiques ont été pensées pour les collectivités locales et les entreprises qui souhaitent améliorer la collecte, le tri et la valorisation des déchets, en particulier des biodéchets. Comment ces investissements vont-ils se concrétiser sur les territoires et quel sera leur impact sur l’emploi ?

Les acteurs locaux, collectivités comme entreprises, sont les chevilles ouvrières de l’économie circulaire. Ce sont elles, qui, sur le territoire, au jour le jour, organisent la collecte, le tri et la valorisation des déchets que nous produisons.

Dans ce cadre, les appels à projets qui vont matérialiser le plan de relance seront majoritairement territorialisés, et non nationaux, afin de coller aux besoins et aux particularités de nos territoires.

Cette transition se traduira tant en termes de nouveaux métiers qu’en termes de nouveaux modèles économiques reposant, par exemple, sur l’économie de la fonctionnalité ou encore l’écologie industrielle et territoriale.

Il s’agit pour l’essentiel d’emplois locaux, pérennes et non délocalisables. Les centres de tri des déchets représentent par exemple 6 000 emplois en France. Le réemploi, le tri et le recyclage des déchets créent 10 fois plus d’emplois que leur élimination.

80 M€ seront dédiés au développement de la valorisation énergétique des déchets avec un soutien aux installations qui utilisent des CSR (combustibles solides de récupération). Pourquoi s’agit-il d’une solution d’avenir ?

Notre objectif est de nous assurer que la gestion des déchets respecte la hiérarchie des modes de traitement : réduire d’abord, puis réemployer, réutiliser, recycler et en dernier lieu valoriser énergétiquement et stocker. La loi anti-gaspillage prévoit une diminution importante de la mise en décharge des déchets non dangereux. Cependant, pour le reliquat de nos déchets ultimes, il faut leur trouver des solutions, et la valorisation énergétique reste une utilisation plus vertueuse que la mise en décharge.

Les CSR sont une solution pour valoriser énergétiquement ces déchets ultimes, tout en réduisant leur impact en termes d’émissions de CO2. Une brique du plan de relance est donc consacrée au soutien de ces projets.

Comment s’articule les mesures de ce Plan de relance avec les objectifs de la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire, parue il y a seulement quelques mois ? N’allait-elle pas assez loin ?

Cette loi engage un changement de société profond. Elle amorce la transition d’une économie du « tout jetable » vers une économie circulaire, peu intensive en ressources et respectueuse de l’environnement.

Pour cela, la loi fixe des objectifs ambitieux, qu’il s’agisse de réduire les déchets à la source, de réparer les produits, de recycler les plastiques ou de sortir de l’emballage plastique à usage unique. Ces objectifs sont assortis de moyens conséquents pour permettre aux acteurs d’engager cette transition : refonte en profondeur des filières « pollueurs-payeurs » pour favoriser l’éco-conception et la réduction des déchets, développement de l’information du consommateur, lutte contre le gaspillage en interdisant notamment la destruction des invendus non-alimentaires, renforcement des pouvoirs de police dans le cadre de la lutte contre les dépôts sauvages.

Le plan de relance vient apporter des moyens financiers supplémentaires pour accompagner la mise en œuvre par les acteurs des dispositions de la loi. Il permettra le financement de projets structurants sur nos territoires. Avec ce plan de relance, les acteurs ont l’opportunité de s’emparer de l’ambition fixée par le législateur. Il s’agit de faire passer l’économie circulaire à un échelon supérieur.

Quand et comment les professionnels pourront-ils candidater à l’obtention d’une aide du plan de relance ?

Les aides du plan de relance vont majoritairement se concrétiser via des appels à projets de l’ADEME. Ils sont rendus publics progressivement et précisent les modalités ainsi que les acteurs éligibles aux aides.

Un appel à candidatures concernant une aide au fonctionnement pour les régénérateurs de matières plastiques, afin de compenser l’écart de prix entre les plastiques vierges et les plastiques recyclés, a déjà été publié, ainsi qu’un appel à projets pour le soutien à la production de chaleur à partir de CSR (Combustibles solides de récupération) pour détourner des gisements de la mise en décharge.

J’invite chaque acteur à se saisir de ces opportunités, pour faire du plan de relance un grand plan de transformation vers une économie plus sobre et plus résiliente !

En savoir plus :
Télécharger le descriptif complet du Plan de relance (voir p.49 et suivantes pour les mesures concernant l’économie circulaire).

Aides à l’économie circulaire : un accompagnement au plus près des territoires

Les collectivités locales sont mobilisées pour faire connaître largement les nouveaux dispositifs de soutien. Explications de Jean-Michel Buf, Vice-Président de la Région des Pays de la Loire délégué à l’Économie circulaire.

La Région des Pays de la Loire collabore de manière étroite avec l’ADEME dans la mise en œuvre du plan de relance. Il s’agira de diffuser au plus près des territoires par l’intermédiaire des acteurs économiques, que ce soient les Chambres Consulaires, les développeurs économiques des EPCI, l’agence régionale Solutions & Co ou tout autre réseau, les dispositifs mis en œuvre afin que les entreprises mais aussi les associations et les collectivités qui le souhaitent puissent candidater efficacement.

De manière générale, notre dépendance aux ressources fossiles doit se restreindre de manière drastique. Dans le cadre du plan de relance, le soutien de 200 M€ sur le sujet du plastique est prépondérant dans deux approches, la première est celle de l’éco conception et l’analyse du cycle de vie, afin d’alimenter et d’améliorer la seconde approche qui est celle du recyclage et de l’incorporation de plastique recyclé. C’est un enjeu industriel majeur.

Par ailleurs, l’aspect du réemploi est très souvent lié à l’économie sociale et solidaire et en particulier aux ressourceries. La mise en œuvre du réemploi est à soutenir afin de faire monter en compétence les ressourceries, les aider à se professionnaliser, à trouver l’équilibre économique, afin de permettre qu’un produit issu du réemploi et aussi de la réparation soit considéré comme un produit neuf.

Il faut aussi souligner que la collecte, le stockage, le tri et la valorisation des bio déchets nécessiteront de nouveaux moyens logistiques et des équipements. La concrétisation sur les territoires doit pouvoir facilement s’opérer dans un principe de proximité et, logiquement, les aides prévues sur ce sujet permettront de créer des emplois locaux non délocalisables.”