Catherine Chabaud : « Il faut agir rapidement sur l’ensemble du cycle de vie du déchet »

Journaliste, navigatrice émérite, militante écologiste et désormais déléguée à la mer et au littoral, Catherine Chabaud est l’une des figures de proue du combat contre la pollution des mers. Lors de la rencontre grands témoins des prochaines Assises des déchets, elle partagera son expérience et sa vision des enjeux à relever. Entretien.

 

Pourquoi vous êtes-vous engagée contre la pollution des océans ?

Ma mobilisation vient de ce que j’ai observé en mer, de tous ces déchets que j’ai pu rencontrer lors de mes traversées et plongées. Lorsque j’ai arrêté la compétition, début 2002, j’ai eu envie de naviguer autrement. Journaliste de formation, j’ai voulu m’intéresser d’abord aux solutions plutôt qu’aux problèmes. Cet engagement s’est donc traduit sur le terrain, dans mon milieu de la navigation et de la plaisance, en travaillant sur l’écoconception. Notamment sur les matériaux biosourcés qui peuvent remplacer ceux issus de la pétrochimie ou le verre-polyester qu’on ne sait pas bien recycler.

Alors qu’auparavant, je recherchais à mettre au point le bateau qui allait le plus vite, j’ai essayé de trouver celui qui aurait le moins d’impact sur l’environnement. Avec l’Université de Bretagne Sud, nous avons mis au point un canoë entièrement compostable en lin-PLA. Dans les années qui ont suivi, j’ai porté le projet Voilier du Futur, un projet industriel très ambitieux lauréat des Investissements d’avenir, qui n’a malheureusement pas vu le jour, mais a inspiré d’autres initiatives.

 

Catherine Chabaud et Isabelle Poitou
Catherine Chabaud et Isabelle Poitou, directrice de l’association Mer-Terre.

Comment êtes-vous arrivée à votre poste actuel, et pourquoi avoir accepté ce nouveau défi ?

En parallèle, je me suis investie dans différents travaux : j’ai mené une mission Nautisme et Développement durable que Jean-Louis Borloo m’a confiée en 2008, une autre pour le Pôle Mer Bretagne, puis ai participé au Grenelle de la mer, avant d’entrer au Conseil économique, social et environnemental, où j’ai été rapporteur d’un avis sur la gestion durable des océans et un autre sur les matériaux biosourcés.

Dans le même temps, avec d’autres, je me suis mobilisée sur la haute mer, puis avec la Plateforme Océan et Climat, nous avons réussi à faire entendre la voix de l’océan dans les négociations climatiques de la COP21 à Paris. Ségolène Royal, qui a soutenu notre initiative, m’a proposé le poste de déléguée à la mer et au littoral, que j’occupe depuis le 26 février 2016. La mission consiste à coordonner les sujets transversaux sur la mer et le littoral au sein du ministère, devenu avec l’arrivée de Nicolas Hulot, celui de la transition écologique et solidaire. L’intérêt est que cela me permet d’être davantage dans l’opérationnel : avant j’étais plus dans la recommandation que dans la mise en œuvre d’une stratégie globale. La France dispose du deuxième espace maritime au monde, grâce aux outremer et est présente dans toutes les régions économiques du globe. Le travail est colossal car le sujet mer et littoral est très vaste, mais c’est passionnant !

 

Vous avez néanmoins accepté de participer aux prochaines Assises des déchets. Pour faire passer quel message ?

Je voudrais rappeler à l’occasion de ces Assises que l’envie de m’engager est née à la vue de tous ces déchets qui jonchent les océans. Et pourtant, je n’aime pas trop l’expression « continent de plastiques » par exemple, car cette pollution est beaucoup plus sournoise. Elle est souvent clairsemée, entre deux eaux. Parfois, les déchets rejoignent les fonds marins, voire s’accumulent dans des canyons comme cela a été constaté par l’Ifremer. À mon sens, il faut agir rapidement sur l’ensemble du cycle de vie du déchet. D’abord en évitant de le produire, et lorsqu’il est produit de faire en sorte d’éviter qu’il rejoigne le milieu naturel, notamment en assurant sa traçabilité. On peut aussi envisagé qu’il soit biodégradable, mais cela ne doit pas être un prétexte à son abandon. Lors des Assises des déchets, je présenterai une vidéo courte qui utilise un ton humoristique pour sensibiliser à la pollution des mers. Elle a été réalisée pour le Grenelle de la mer mais est toujours d’actualité.

 

Sommes-nous aujourd’hui à un tournant de la lutte contre la pollution maritime ?

Il y a assurément une prise de conscience générale de la problématique. D’abord parce que les médias s’en sont emparés, mais aussi car les initiatives pour sensibiliser le grand public se multiplient. En juillet, j’étais ainsi au musée océanographique de Monaco où l’Union européenne a lancé une campagne qui consiste à exposer des aquariums remplis de déchets. À l’échelle nationale, Ségolène Royal s’est beaucoup intéressée au sujet des déchets en mer et a mis la France à la tête d’une « coalition » contre les sacs plastiques. Le portefeuille a été repris par Nicolas Hulot qui veut développer l’économie circulaire, notamment sur le littoral. On peut par exemple donner une deuxième vie aux filets de pêche, aux déchets du nautisme, etc. Avec les services du ministère, nous travaillons à un grand plan d’action pour réduire les pollutions telluriques qui rejoignent la mer, mais je vous en dirai plus une prochaine fois !

 

Rencontre avec des grands témoins : Préserver la mer de nos déchets

Lors des prochaines Assises des déchets, Catherine Chabaud participera à la rencontre consacrée à la pollution des mers qui se tiendra le jeudi 28 septembre à 14h30.

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